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Автобиографическая проза

Marina Zvétaieva

«Mon frère féminin»

Lettre a l'Amazone

© Mercure de France, 1979,

26, rue de Condé, 75006 Paris.

[9]

J'AI LU Votre livre. Vous m'êtes proche comme toutes les femmes qui écrivent. Ne Vous offusquez pas de ce «toutes», — toutes n'écrivent pas: écrivent celles entre toutes.

Donc, Vous m'êtes proche comme tout être unique et, surtout, comme tout être unique féminin.

Je pense à Vous depuis le jour où je Vous ai vue, — un mois? Quand j'étais jeune, j'avais hâte de me dire, je craignais toujours de laisser passer la vague partant de moi et me portant vers l'autre, je craignais toujours de n'aimer plus, de ne plus rien savoir. Mais je ne suis plus jeune et j'ai appris à laisser [10] passer presque tout — irréparablement.

Avoir tout à dire — et ne pas desserrer les lèvres. Tout à donner — et ne pas desserrer la main. Ceci est du renoncement que Vous appelez vertu bourgeoise et qui, bourgeoise ou non, vertu ou non, est le principal ressort de mes actes. Ressort? — le renoncement? Oui, car le refoulement d'une force exige un effort infiniment plus âpre que son libre déploiement — qui n'en exige aucun. En ce sens toute activité naturelle est chose passive, comme toute passivité obtenue — de l'activité (épanchement — subissement, refoulement — agissement). Qu'est-ce qui est plus difficile: retenir un cheval ou le laisser courir, et, puisque c'est nous, le cheval que nous retenons, — des deux le plus pénible: être retenu ou laisser jouer notre force? Respirer ou ne respirer pas? Vous souvenez-vous de ce jeu d'enfant, où tout l'honneur allait à celui qui restait le plus longtemps dans un bahut à étouffer? Jeu cruel et très peu bourgeois.

Agir? Se laisser aller. Chaque fois que je renonce j'ai la sensation d'un [11] tremblement de terre au-dedans de moi. C'est moi — la terre qui tremble. Renoncement? Lutte pétrifiée.

Mon renoncement s'appelle encore: ne daigne — disputer quoi que ce soit à l'ordre existant. L'ordre existant pour notre cas? Lire Votre livre, Vous en remercier par des mots vides de moi, Vous revoir de temps en temps «souriante pour qu'on ne Vous voie pas sourire», — faire comme si Vous n'aviez rien écrit et, moi, rien lu: comme s'il n'y avait rien eu.

Je l'aurais pu, je le peux encore, mais pour une fois — je ne le veux pas.

Écoutez-moi, Vous n'avez pas à me répondre, Vous n'avez qu'à m'entendre. C'est une blessure droit au cœur que je vous porte, au cœur de Votre cause, de Votre croyance, de Votre corps, de Votre cœur.

Une lacune dans Votre livre, une seule, immense, — consciente ou non? Je ne crois pas à l'inconscience d'êtres pensants, encore moins — d'êtres pensants écrivants, point du tout — à l'inconscience écrivaine féminine. [12]

Cette lacune, ce laissé en blanc, ce trou noir — c'est l'Enfant.

Vous y revenez sans cesse, Vous lui donnez en fréquence ce que Vous lui devez en importance, Vous le semez ça et là, puis là encore, pour ne pas lui donner l'entité du seul cri que Vous lui devez.

Ce cri, Vous ne l'avez donc jamais, pour le moins — entendu? — Si je pouvais avoir un enfant de toi!

Et cette jalousie, féroce et unique au monde, implacable parce qu'incurable, incomparable à l'autre, «normale», incomparable même à la jalousie maternelle. Cette jalousie, prescience de la rupture inévitable, ces yeux grands ouverts sur l'enfant qu'elle voudra un jour et que Vous, l'aînée, ne pourrez pas lui donner. Ces yeux rivés sur l'enfant à venir.

— «Les amants n'ont pas d'enfants.» Oui, mais ils meurent. Tous. Roméo et Juliette, Tristan et Yseult, l'Amazone et Achille, Siegfried et Brun-hild (ces amants en puissance, ces désunis-unis, dont la désunion amoureuse l'emporte sur l'union la plus complète... ). Et [13] d'autres... Et d'autres... De tous chants, de tous temps, de tous lieux... Ils n'ont pas le temps pour l'avenir qu'est l'enfant, ils n'ont pas d'enfant parce qu'ils n'ont pas d'avenir, ils n'ont que le présent qu'est leur amour et leur mort toujours présente. Ils meurent — ou c'est l'amour qui meurt (dégénère en amitié, en maternité: la vieille Baucis avec son vieux Philémon, la vieille Pulchérie avec son vieil enfant Athanase, — couples aussi monstrueux que touchants).

L'amour de par lui-même est l'enfance. Les amants sont des enfants. Les enfants n'ont point d'enfants.

Ou bien — comme Daphnis et Chloé — nous n'en savons plus rien: même s'ils survivent — ils meurent, en nous, pour nous.

On ne peut pas vivre d'amour. La seule chose qui survit à l'amour, c'est l'Enfant. [14]

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Et cet autre cri, Vous ne l'avez donc jamais entendu non plus? — Que je voudrais un enfant — sans homme! Soupir souriant de jeune fille, soupir ingénu de vieille fille et, même, parfois, soupir désespéré de femme: — Que j'en voudrais un — uniquement mien!

Et voici que la jeune fille souriante, qui ne veut pas d'étranger dans son corps, qui ne veut pas de lui et du sien, qui ne veut que du mien, rencontre au tournant d'une route une autre moi, une elle, qu'elle n'a pas à craindre, dont elle n'a pas à se défendre, car l'autre ne peut pas lui faire de mal, comme on ne peut pas (au moins, étant jeune) se faire mal à soi-même. Certitude des plus illusoires et qui vacillera dès le premier coup d'œil méfiant de l'amie pour s'écrouler sous les grands coups de cœur de sa haine.

Mais n'anticipons pas: pour le moment elle est heureuse et libre, libre d'aimer de cœur, sans corps, d'aimer sans [15] avoir peur, d'aimer sans faire mal.

Et quand le mal est fait — elle découvre que ce n'est pas un mal. Le mal — c'est: la honte, le regret, le remords, le dégoût. Le mal, c'est la trahison de son âme avec un homme, de son enfance avec l'ennemi. Mais il n'y a pas d'ennemi, puisque c'est encore moi, toujours moi, une moi nouvelle, mais qui dormait dans mes profondeurs et révélée par cette autre moi, là, devant moi, extériorisée et, enfin, aimable. Elle n'a pas eu à se renier pour devenir femme, elle n'a eu qu'à se laisser aller (jusqu'au tréfonds d'elle-même) — qu'à se laisser être. Ni fêlure, ni brisure, ni flétrissure.

Et ce mot, résumant:

— O moi! O moi chérie!

Oh! ce n'est jamais par honte ou dégoût qu'elle la quitte. C'est par et pour une toute autre chose. [16]

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Ce n'est d'abord qu'une presque-plaisanterie. — Le beau bébé! — Tu en voudrais un? — Oui. Non. Un de toi — oui. — Mais... — Mais c'est pour rire.

Une autre fois c'est un soupir. — Que je voudrais... — Quoi? — Rien. — Si, si, je sais... — Puisque tu le sais. Mais c'est — de toi. Silence.

— C'est encore à cela que tu penses? — Puisque tu le dis. — Mais c'est toi qui le dis...

Rien ne lui manque, mais trop, mais tout lui reste d'elle à donner. — «Je voudrais t'aimer petite» — tout comme une femme dit: - Je voudrais t'aimer petit. Encore toi. Encore une toi. Une toi, enfantée par moi.

Enfin c'est le cri désespéré, nu, irrémédiable: — Un enfant de toi! [17]

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Celui qui ne viendra jamais. Celui dont on ne peut même pas implorer la venue. On peut demander à la Vierge un enfant de l'amant, on peut demander à la Vierge un enfant d'un vieillard — une iniquité — un miracle — on ne demande pas une folie. Union dont l'enfant est simplement exclu. état de choses impliquant l'absence de l'enfant. Impensable. Tout, hors l'enfant. Comme à ce dîner du Grand Roi et du gentilhomme: tout, hors le pain. Le grand pain quotidien — féminin.

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Ce n'est jamais que le désespéré désir de l'une, de la plus jeune, de la plus elle. L'aînée, elle, n'a pas besoin d'enfant, elle a son amie pour sa maternité. — Tu es mon amie, tu es mon dieu, tu es mon tout.

Mais l'autre, ce n'est pas être aimée [18] en enfant qu'elle veut, c'est un enfant à aimer.

Et celle qui a commencé par ne pas vouloir d'enfant de lui, finira par vouloir un enfant d'elle. Et c'est parce que cela ne peut pas être qu'elle s'en ira un jour, aimante mais traquée par la jalousie lucide et impuissante de l'autre — et qu'encore un jour elle échouera, épave, dans les bras du premier venu.

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(Mon enfant, mon amie, mon tout, et — Votre mot génial, Madame, — mon frère féminin, jamais: sœur. On dirait que ce mot sœur leur fait peur, comme s'il pouvait les réintégrer de force dans un monde d'où elles sont sorties à jamais. )

Pour commencer, l'aînée le craint plus que l'autre ne le désire. On peut dire que c'est l'aînée qui crée en elle le désespoir, transforme le sourire en soupir, le soupir en désir, le désir en obsession. C'est l'obsession de l'aînée qui crée [19] l'obsession de la jeune. — Tu t'en iras, tu t'en iras, tu t'en iras. Tu le veux de moi, tu le voudras du premier venu... C'est encore à cela que tu penses... Tu as regardé cet homme. N'est-ce pas — quel père pour ton enfant! Va-t-en, puisque je ne peux pas te le donner...

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Nos appréhensions évoquent, nos craintes suggèrent, nos obsessions incarnent. La jeune, à force de le taire, y pense constamment, elle n'a d'yeux que pour les jeunes femmes aux bras pleins. Et dire que je n'en aurai jamais un, puisque jamais, jamais ne je la quitterai. (C'est en ce moment qu'elle la quitte. )

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L'enfant — point fixe dont désormais elle ne détachera pas les yeux. L'enfant refoulé remonte à la surface de ses [20] yeux comme un noyé. Il faut être aveugle pour ne pas l'y voir.

Et celle qui a commencé par vouloir un enfant d'elle finira par vouloir un enfant de n'importe qui: du même lui abhorré. Le lui persécuteur devient sauveur. L'Amie — l'Ennemie. Et le vent retourne sur ses cercles...

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L'enfant commence en nous bien avant son commencement. Il y a des grossesses qui durent des années d'espoir, des éternités de désespoir.

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Et toutes les amies qui se marient. Et les maris de ces amies, si gais, si francs, si proches... Et dire que moi aussi...

Murée.

Enterrée vive. [21]

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Et l'autre travaille. Allusions, soupçons, reproches. La jeune: — Tu ne n'aimes donc plus? — Je t'aime, mais — puisque tu t'en iras.

Tu t'en iras, tu t'en iras, tu t'en iras.

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Avant de partir elle voudra mourir. Puis, en pleine mort, sans rien savoir, sans rien préméditer, sans rien penser, par pur et triple instinct vital — jeunesse, durée, entrailles — elle s'entendra à l'heure du rendez-vous jamais manqué rire et plaisanter à l'autre bout de la ville — et de la vie — avec n'importe qui — le mari d'une de ses amies ou le subordonné de son père, pourvu que ça ne soit pas elle.

L'homme, après la femme, quelle simplicité, quelle bonté. Quelle franchise. Quelle liberté! Quelle pureté. [22]

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Puis, ce sera la fin. Le commencement de l'amant? Le parcours des amants? La stabilité du mari?

Ce sera l'Enfant.

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J'omets le cas exceptionnel: la femme immaternelle.

J'omets aussi le cas banal: la fille dépravée, d'instinct ou par mode: l'être, toujours négligeable, du plaisir.

J'omets, de même, le cas rare de l'âme en peine, celle qui dans l'amour cherche l'âme, donc — prédestinée à la femme.

Et la grande amoureuse, celle qui dans l'amour cherche l'amour et prend son bien où elle le trouve.

Et le cas médical.

Je prends le cas normal, le cas naturel et vital d'un jeune être féminin craignant [23] l'homme, allant vers la femme et voulant l'enfant. L'être qui entre l'étranger, l'indiffèrent, voire l'ennemi-révélateur et l'aimée refoulatrice, finit par choisir l'ennemi.

Qui aime mieux avoir un enfant qu'aimer.

Qui aime mieux son enfant que son amour.

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Car l'Enfant est un avoir inné, il est en nous avant l'amour, avant l'amant. C'est son désir d'être qui nous fait ouvrir les bras. Une jeune fille, je parle de celles du Nord, est toujours trop jeune pour l'amour, jamais pour l'enfant. A treize ans — elle en rêve.

Un avoir inné qui doit nous être donné. Les unes commencent par aimer le donateur, les autres finissent par l'aimer, d'autres encore finissent par le subir, d'autres finissent par ne le subir plus. [24]

Un avoir inné qui doit nous être donné. Celui qui ne nous le donne pas nous le prend.

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Et nous la retrouverons, les bras pleins et le cœur plein de haine pour celle qu'elle qualifiera désormais — ingrate comme toutes qui n'aiment plus, injuste comme toutes qui aiment encore — d'erreur de jeunesse.

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On ne l'y prendra plus.

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Ne m'en veuillez pas. Je réponds à l'Amazone, non à la blanche vision féminine qui ne me demande rien. Non à celle qui me donna le livre, à celle qui l'écrivit. [25]

Si Vous n'aviez jamais nommé l'enfant, j'y aurais reconnu une omission voulue, un dernier renoncement par le silence, une cicatrice que j'aurais respectée. Mais Vous y revenez, Vous le relancez comme une balle: «De quel droit font-elles et défont-elles la vie? Deux enfants — deux négligences», etc.

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C'est le seul point faillible, le seul point attaquable, la seule brèche dans cette entité parfaite que sont deux femmes qui s'aiment. L'impossible, ce n'est pas de résister à la tentation de l'homme, mais au besoin de l'enfant.

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Seul point faible qui ruine toute la cause. Seul point attaquable qui laisse entrer tout le corps ennemi. Car si même nous pouvions un jour avoir un enfant [26] sans lui, nous ne pourrons jamais avoir un enfant d'elle, une petite toi à aimer.

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(Une fille adoptive? Ni tienne, ni mienne? Avec, en plus, deux mères? Que la nature fait bien ce qu'elle fait. )

L'enfant: seul point attaquable qui ruine toute la cause. Le seul qui sauve celle de l'homme. Et de l'humanité.

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Entité trop entière. Unité trop une. («Deux ne feront qu'un.» Non, — deux feront trois. ) Route n'aboutissant nulle part. Impasse. Revenons sur nos pas.

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Tu as beau être belle, tu as beau être Celle — le premier zéro triomphera de [27] toi. Zéro qui sera béni. Tandis que tu resteras maudite.

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— Mais c'est le même cas que lorsqu'on ne peut pas avoir d'enfant avec cet homme. Est-ce une raison de le quitter?

Un cas d'exception ne peut être comparé à une loi sans exception. C'est toute la race, toute la cause, toute la chose qui est condamnée dans chaque cas d'amour entre femmes.

Quitter l'infécond pour son frère fécond est autre chose que quitter l'éternelle inféconde pour l'ennemi éternellement fécond. Là je ne dis adieu qu'à un homme, ici je dis adieu à toute la race, toute la cause, toutes les femmes en une seule.

Ne changer que d'objet. Changer de rive et de monde.

Oh! je sais, parfois cela dure jusqu'à la mort. Vision attendrissante et terri- [28] -fiante, sur une rive sauvage de Crimée, de deux femmes déjà âgées et ayant passé la vie ensemble. L'une d'elles était la sœur du grand penseur slave, si lu en ce moment en France. Même front lumineux, mêmes yeux d'orage, même bouche charnue et nue. Mais il y avait autour d'elles un vide plus vide qu'autour d'un vieux couple infécond «normal», un vide plus isolant, plus vidoyant.

Rien, rien que par cela — race maudite.

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C'est peut-être encore, si la jeune est profonde, l'horreur de cette malédiction qui la fait partir.

«Qu'en dira le monde» ne pèse rien, ne doit peser rien, puisque tout ce qu'il dit est mal dit, tout ce qu'il voit — mal vu. Le mauvais œil de l'envie, de la curiosité, de l'indifférence. Le monde n'a rien à dire, lui qui gît dans le mal.

Dieu? Une fois pour toutes, Dieu n'a [29] rien à voir dans l'amour charnel. Son nom, joint ou opposé à n'importe quel nom aimé, qu'il soit masculin ou féminin, sonne comme un sacrilège. Il y a des choses incommensurables: Christ et l'amour charnel. Dieu n'a rien à voir dans toutes ces misères, sinon pour nous en guérir. Il a dit une fois pour toutes: — Aimez-moi, l'éternel. Hors cela — tout est vain. Pareillement, irrémédiablement vain. Par le fait même d'aimer un humain de cet amour-là, je trahis Celui qui pour moi et pour l'autre est mort sur la croix de l'autre amour.

L'église et l'état? N'auront rien à y redire tant qu'ils pousseront et béniront des milliers de jeunes hommes à se tuer les uns les autres.

Mais qu'en dira, qu'en dit la nature, la seule vengeresse et justicière de nos écarts physiques. La nature dit: non. En nous le défendant, elle se défend, elle. Dieu, en nous défendant une chose, le fait par amour de nous, la nature, en nous la défendant, le fait par amour de soi, par haine de tout ce qui n'est pas elle. La [30] nature hait le cloître autant que l'île où atterrit la tête d'Orphée. Sa vengeance est notre déchéance. Seulement, au cloître, nous avons Dieu pour nous aider, là, dans l'Ile, que la mer pour nous y noyer.

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L'Ile — de la terre qui n'en est pas, une terre dont on ne sort pas, une terre qu'on doit aimer puisqu'on y est condamné. Un lieu d'où on voit tout, d'où on ne peut rien.

Terre à pas comptés. Impasse.

La grande malheureuse que fut la grande poétesse a bien choisi le lieu de sa naissance.

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Confrérie de lépreux.

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Hors-nature. Mais comment se fait-il donc que la jeune fille, cet être de nature, se fourvoie si pleinement, si confiamment?

Ceci est un piège de l'âme. En tombant dans les bras de son aînée elle ne tombe ni dans le piège de la nature, ni dans celui de l'aimée que trop souvent on voit charmeresse, chasseresse, rapace, voire — vampire, tandis qu'elle est, presque toujours, un être amer et noble dont tout le crime est de «voir venir» et disons-le d'avance — de voir partir. — La jeune fille tombe dans le piège de l'âme.

Elle veut aimer — mais..., elle aimerait bien — si... et la voilà dans les bras de l'autre, la tête contre la poitrine, où réside l'âme.

La repousser? Demandons-le aux vieux et jeunes hommes. [32]

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Puis c'est la rencontre. Imprévue et inévitable car — si on habite désormais deux mondes — la terre est toujours une: celle où l'on marche.

Choc de cœur, flux et reflux du sang. Et première et dernière arme de femme — celle avec laquelle on désarme, croit désarmer même la mort — son pauvre dernier courage — lame vivante et déjà rouge — le sourire. Puis c'est le petit torrent incohérent de syllabes se précipitant l'une sur l'autre, comme les petits plis d'eau par-dessus les cailloux. Qu'a-t-elle dit? Rien, puisque l'autre n'a rien entendu, comme jamais nous n'entendons rien aux premières paroles,... Mais voilà que l'autre ayant quitté des yeux la bouche mouvementée perçoit que ce mouvement a un sens:... dix mois... un amour... il me préfère à tous... il pèse... (Avale, avale, avale encore, ravale tout-pour tout ce que tu m'as fait!)... Je disais donc — il pèse... (Plus que toute la [33] terre, plus que toute la mer sur le cœur de l'Aînée).

Quelle volupté de vengeance! Et dans les yeux — cette haine! Haine d'une serve enfin affranchie. Volupté de mettre le pied sur un cœur.

Et le petit torrent définitivement digue — ondulations lentes et chantantes, cristallines: — Voulez-vous venir me voir, nous voir, mon mari et moi...

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Elle n'a rien oublié. C'est qu'elle se souvient trop.

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Puis c'est le bain, quotidien et sacro-saint. Triomphe évident — et presqu'indé-cent — de la virilité. Car c'est tout de suite un fils, toujours un fils, comme si la nature, hâtive de rentrer dans ses droits, ne s'attardait pas au détour d'une fille. [34] Non la petite toi, implorée et impossible, — le petit lui, allant de soi, venu sans demande, sur commande, simple résultat (l'immense but!).

L'autre, se raccrochant au dernier espoir, ou simplement ne sachant que dire:

— Il te ressemble. — Non (sec et net). Un nom sec et net. Et dernier dard, par où s'en va peut-être le dernier restant de ce grand poison qu'est l'amour:

— Il ressemble à son père. C'est le portrait vivant de mon mari. — II y a de la vulgarité voulue dans cette vengeance. Elle ne dit que les mots qu'elle sait être les plus blessants, les plus communs, les plus de tous (vois le cas normal que tu as aimé!). Choix ou instinct? ça lui vient tout seul, elle s'entend dire (comme un jour, déjà lointain, elle s'entendit rire... ) Puis, le rite terminé, Moïse sauvé et vêtu, elle lui donne le sein et — vengeance suprême — guette en dessous de ses cils baissés de nourrice l'éclair d'envie dans les yeux de l'aînée, noyé dans une buée d'attendrissement. Car il y a au fond de toute femme, si [35] ce n'est pas un monstre, car il y a même au fond de tout monstre..., car il n'y a pas de monstres entre les femmes.

Cet éclair, ce sourire — elle les sait, mais — pour une raison ou une autre -elle ne lèvera pas les yeux.

Si l'homme est intelligent il ne lui demandera jamais: — A quoi penses-tu?

Peut-être, l'autre partie, voudra-t-elle se casser la tête.

Peut-être, l'autre partie, ne voudra-t-elle pas donner la bouche.

Si l'homme est intelligent il ne l'embrassera pas immédiatement, attendra - pour embrasser — que l'autre soit partie — définitivement.

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(Pourquoi est-elle venue? Pour se faire mal. C'est, parfois, tout ce qui nous reste. ) [36]

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Puis ce sera l'autre rencontre, la contre-rencontre, puis ce sera la paye.

Même terre (hors cela, rien ne vaut d'être mentionné, car tout ce qui se produit, se produit en dedans).

Mêmes tous pour spectateurs et auditeurs. (Dernière vengeance de la nature: pour avoir été trop seules, trop unes, trop tout l'une pour l'autre, elles ne se verront désormais qu'avec tous et tout entre elles. )

Même temps: l'éternité de la jeunesse, tant qu'elle est.

— Vois, n'est-ce pas ton amie qui passe? — Où? — Là, avec cette brune en bleu.

Avant d'avoir vu, elle sait.

Et voilà que le flot humain, plus inhumain et inéluctable que celui des mers, lui amène, l'amène...

Cette fois, c'est l'aînée qui commence: — Comment allez-Vous? (et, sans attendre, sans entendre) — Permettez-moi de [37] Vous présenter mon amie, Mademoiselle une telle... (un nom).

Si l'ancienne dont tout le sang a fui sous son fard «était» blonde — la nouvelle, la remplaçante, infailliblement, sera brune. Toute de grâce — toute de force. Fidélité posthume? Désir d'une mort complète? Ou coup de grâce aux souvenirs? Rancune à toute blondeur? Tuer du blond avec du brun? C'est une loi. Demandez le pourquoi aux hommes.

Il y a des regards qui tuent. Il n'y en a pas, puisque la brune s'en va, bien vivante, au bras de l'aînée — l'aimée. L'enroulant des flots bleus de sa longue robe qui physiquement mettent entre la restante et la partante toute l'irrémédia-bilité des mers.

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La nuit, se penchant sur le dormeur adoré: Ah! Jean, si tu savais, si tu savais, si tu savais...

Ce n'est pas le jour où l'enfant est [38] né, c'est aujourd'hui, trois ans après, qu'elle sait ce qu'il lui a coûté.

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Tant que l'Autre sera jeune, on la verra toujours accompagnée d'une ombre vivante.

La brune changera: redeviendra blonde ou deviendra rousse. La brune partira comme la blonde partit. Comme partent toutes les marcheuses vers leur but inconnu — toujours le même — s'étant reposées un moment sous l'arbre qui jamais ne marche.

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Toutes — passeront. Toutes y passeraient, si... Mais on ne reste pas éternellement jeune. [39]

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L'autre! Pensons à elle. L'île. L'éternelle isolée. La mère perdant une à une toutes ses filles, les perdant pour l'éternité, puisque non seulement elles ne viendront pas lui mettre leurs enfants dans les bras, mais, l'entrevoyant au tournant d'une rue, feront furtivement sur la tête blonde un signe de croix. Niobé à la descendance féminine, détruite par cet autre chasseur, autrement féroce. L'éternelle perdante au seul jeu qui vaille — et qui soit. La honnie. La bannie. La maudite. Blanche vision sans corps et dont nous ne reconnaissons la race que par ce regard connaisseur, reconnaisseur, soupeseur, où le commissaire-priseur est joint à l'idolâtre, le joueur d'échecs au béatifié, — regard à diverses couches de profondeur, et où la dernière se trouve toujours être l'avant-dernière, sans fin, sans fond, tous les qualificatifs y passeront, car c'est un gouffre, — regard ineffable, effacé par l'hivernal sourire du renoncement. [40]

Jeunes, on les reconnaît au sourire, vieilles, c'est au sourire qu'on les mécon-naît.

Jeunes ou vieilles, ce sont celles qui ont l'air le plus âme. Toutes les autres à l'air de corps ne le sont pas, n'en sont pas, ou le sont passagèrement.

Elle vit dans une île. Elle crée une île. Elle est une île. Ile à l'infinie colonie d'âmes. Qui sait, si en ce moment-là, aux Indes, là, aux confins du monde... une jeune fille, nouant ses cheveux bruns...

Les «qui sait» — nourrissent.

Et c'est encore le plus sûr.

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Elle mourra seule, car elle est trop fière pour aimer un chien, trop souve-nante pour adopter un enfant. Elle ne veut ni animaux, ni orphelins, ni dame de compagnie. Elle ne veut même pas de demoiselle de compagnie. Le Roi David se réchauffant à la chaleur inanimée d'Avizag était un rustre. Elle ne veut pas de cha- [41] -leur payée, de sourire prêté. Elle ne veut être ni vampire, ni grand-mère. Bon pour l'homme qui, vieux, se contente de déchets, de côtoiements visant d'autres côtes, de coudoiements — d'autres coudes, de sourires allant à d'autres bouches — arrêtés, volés au hasard. — «Passez, fillettes, passez...» Elle ne sera jamais la parente pauvre au festin de la jeunesse d'autrui. Ni amitié, ni estime, ni cet autre abîme qu'est notre propre bonté, elle ne mettra rien à la place de l'amour. Elle ne renoncera pas à la splendide noirceur, à la noire et ronde brûlure — cercle autrement magique que le tien, Faust! — du feu de joie d'antan. Contre tous les printemps — elle tiendra ferme.

Même si une jeune se jette contre elle comme un enfant se jette contre un passant ou contre un mur — passant, elle déviera, mur, elle sera immuable. Cette amoureuse forcenée, vieille, sera pure par orgueil. Elle, qui toute sa vie fit peur, ne voudra pas faire peur ainsi. La jeune démone ne deviendra jamais la vieille lamie. [42]

Bienveillance — condescendance -distance.

«Passez vite, folles et belles...»

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Sous les murs d'une poudrière

Par le temps presque renversés,

La main devant votre lumière

Passez, jeunes filles, passez.

Et pourtant lui — lui, c'est dans la gloire licite de toutes leurs blondeurs passées qu'il passe. Elle — c'est dans une buée d'horreur.

Ce que ne purent sur elle, sur son penchant fatal et naturel, ni Dieu, ni les hommes, ni sa propre pitié, son orgueil le pourra. Et le pourra seul. Et le pourra si bien que l'éternelle jeune, tout intimidée, . sa mère: — Cette dame me fait peur. Elle a l'air si dur. En quoi lui ai-je déplu?...

Et une autre, amenée à «la dame» par sa mère — qui sait pourquoi? — s'entend dire par une voix où le refoule- [43] -ment met comme une fêlure: — Votre mère m'a dit que Vous aviez des dispositions pour la peinture. Il faut cultiver ses talents, Mademoiselle...

Jamais peinte, jamais teinte, jamais rajeunie, rehaussée, faussée, abandonnant ceci aux vieillissantes «normales», celles qui aux yeux de tous, avec la bénédiction du prêtre, convolent à soixante ans en justes noces avec un enfant de vingt. Elle abandonne ça aux sœurs de César.

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Penchant fatal et naturel de la montagne vers la vallée, du torrent vers le lac...

La montagne, vers le soir, reflue entière vers la cime. Le soir, elle est cime. On dirait que ses torrents la remontent à rebours. Le soir, elle se reprend.

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...Puis, encore un jour, la jadis-jeune apprendra que quelque part, à l'autre bout de la même terre, l'aînée est morte. D'abord elle voudra écrire pour savoir. Mais le temps, se hâtant — la lettre s'immobilisera. Le désir restera désir. Le «je veux savoir» deviendra «je voudrais»; puis — «je ne voudrais plus». — A quoi bon, puisqu'elle est morte? Puisque moi aussi je mourrai un jour... Et bravement, avec la grande véracité de l'indifférence: — Puisqu'elle est morte en moi — pour moi — voilà bien vingt ans?

Il n'y a pas besoin de mourir pour être mort.

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Ile. Cime. Seule. [45]

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Saule pleureur! Saule éploré! Saule, corps et âme des femmes! Nuque éplorée du saule. Chevelure grise ramenée sur la face, pour ne plus rien voir. Chevelure grise balayant la face de la terre.

Les eaux, les airs, les montagnes, les arbres nous sont donnés pour comprendre l'âme des humains, si profondément cachée. Quand je vois se désespérer un saule je comprends Sapho.

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Clamart, nov. -décembre 1932.

(recopié et revu en novembre 1934, avec un peu plus de cheveux gris. MZ).

[47]

NOTE

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Parmi les grands poètes russes de notre siècle, nul n'est maintenant ignoré en France, ni Maïakovski, ni Pasternak, ni Anna Akhmatova, ni Qssip Mandelstam, si ce n'est, paradoxalement, Marina Zvétaieva*. Or celle-ci, non seulement a vécu dans la banlieue parisienne de 1925 à 1939, mais elle a écrit direc- [50] -tentent en français, et même semble ne pas avoir ignoré nos milieux littéraires. C'est un étrange et cruel destin que celui de Marina Zvé-taieva (1892-1941), poète largement méconnu parce que mésestimé à cause d'une prétendue difficulté de lecture, contre laquelle elle s'est souvent insurgée. Ignorée, aussi, parce que pendant la guerre civile qui suit la Révolution, elle a l'audace de lire à des gardes rouges ses poèmes à la gloire des armées blanches. Parce qu'en France, au milieu de l'émigration russe, elle proclame que, si la vérité est ici, la force — et donc l'avenir — sont «là-bas». Et parce qu'enfin, rentrée en U. R. S. S. à la suite de son mari et de sa fille en 1939, elle n'est réellement publiée qu'à partir de 1961. Elle ne commence à être vraiment reconnue que depuis une vingtaine d'années, une trentaine tout au plus, si l'on compte la réédition d'œuvres en prose à New York en 1956, et l'importante publication de son recueil de poèmes le Camp des cygnes à Munich en 1957, mais reconnue avec un enthousiasme qui va grandissant et reconnue, enfin, par les siens.

Toute sa vie Zvétaieva s'est cherché un lecteur — dans un poème de 1919 elle ne l'imagine «naître que dans cent ans» —: c'est cependant pour aller à sa rencontre qu'elle quitte la Tchécoslovaquie (ou elle avait rejoint [51] son mari en 1922) pour la France, car l'émigration russe y est plus importante. Puis, dans les années trente, elle cherchera à entrer en contact avec le public français et écrira dans notre langue, non seulement en prose, mais également en vers. Zvétaieva suit la vie littéraire française, mais elle est pauvre et n'a chez nous aucune notoriété, si bien que, lorsqu'elle voudra publier, elle n'essuiera que des refus.


Marina Zvétaieva a très tôt appris le français, auprès de sa mère, d'abord, femme d'une grande culture et pianiste exceptionnelle, que seuls les préjugés de ce temps ont empêchée de faire une carrière de soliste. Puis dans diverses écoles de Suisse, à Lausanne en particulier, où elle poursuit ses études secondaires avec sa sœur cadette Anastasie, tandis que leur mère soigne sa tuberculose en Italie. A seize ans, elle se passionne pour Napoléon, traduit l'Aiglon d'Edmond Rostand, et part seule pour Paris afin de voir Sarah Bernhardt dans ce rôle. Pendant son séjour, elle habite rue... Bonaparte. Nous sommes en 1909. C'est l'époque où elle prépare ses premiers recueils de vers, qui seront tout de suite remarqués tant par Brioussov que par [52] Goumiliov et par Volochine. Elle traduira encore la Nouvelle Espérance d'Anna de Noailles, qui sera publiée en 1916 dans les Annales du Nord.

Le français n'est pourtant pas la seule langue étrangère qu'elle connaisse bien et qu'elle aime: l'allemand, la littérature et la culture allemandes lui sont sans doute plus familiers, plus proches. Mais, pour autant qu'on sache (ses archives, à Moscou, sont fermées jusqu'en l'an 2000), Zvétaieva n'a rien écrit en allemand, du moins qui soit destiné à la publication — hormis sa très belle correspondance avec R. M. Rilke, qui n'est pas encore éditée.

En français elle récrira, plus qu'elle ne traduira, un long poème très brillant, dédié à Pasternak, composé en russe en 1922, «le Gars», et que Gontcharova illustrera pour l'édition française — en vain, elle ne verra pas le jour. En 1936, à l'occasion du centième anniversaire de la mort de Pouchkine, qui doit être célébré l'année suivante, elle traduit admirablement quatorze de ses poèmes, parmi les plus beaux. Mais ils ne seront pas publiés, eux non plus. Dans notre langue, directement cette fois, elle écrira la «Lettre à l'Amazone» présentée ici, «Neuf lettres avec une dixième retenue et une onzième reçue» — dont on ne connaît le titre que grâce à la publication [53] récente de sa correspondance — et d'autres textes encore certainement, car elle écrit en 1933 à Véra Mouromtseva, la femme de Bounine: «Tout l'hiver j'ai écrit en français.» Entre autres: Mon père et son musée, texte qui n'a vu le jour qu'en russe, dans la traduction d'Ariadna Efron, la fille de Marina Zvétaieva. Ivan Zvétaieff, fils d'un modeste curé de campagne, était devenu professeur de l'université de Moscou, et restera dans les mémoires comme le fondateur du musée des Beaux-Arts, maintenant musée Pouchkine, à Moscou, où sont rassemblées de très belles collections d'art antique et occidental.

Il est certain que Marina Zvétaieva, en France, n'est pas restée «confinée» dans les milieux russes; mais l'étude de ses relations avec les cercles littéraires français reste encore à faire. Elle a vraisemblablement rencontré Natalie Clifford Barney, à laquelle est adressée cette «Lettre», en octobre 1932, mais dans quelles circonstances, introduite par quel habitué de la rue Jacob, — nous l'ignorons. Son nom ne figure pas dans la cartothèque de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, ni sur les documents que l'on peut y consulter: invitations, listes d'invités ou programmes des soirées données chez Natalie Barney. Car si les archives de Zvétaieva sont inaccessibles pour [54] trente ans encore, une partie de celles de Natalie Barney, datant justement de l'entre-deux guerres, a été détruite ou dispersée.

Nous ne disposons donc que de cette «Lettre», qui est en fait une «réponse» à un livre précis, dont la première édition remonte à 1918: Pensées d'une Amazone. (Ce mot avait été lancé dès 1914 par Remy de Gour-mont. ) Il n'est pas sans intérêt de relire, après la «Lettre», cet ouvrage et de voir comment Zvétaieva reprend telle expression de Natalie Barney, la repense, l'approfondit, fait d'un trait d'esprit un mot de génie: ainsi «l'ennemi», par exemple, ou «le frère féminin». Et l'étonnant reflet: «Le seul antéchrist: la nature...»

Marina Zvétaieva a-t-elle réalisé son dessein, a-t-elle envoyé, ou remis, cette «Lettre» à Natalie Barney? Nous n'en avons pas la preuve, mais à relire telle ou telle page des Nouvelles Pensées d'une Amazone (1939), ou de Traits et portraits (Mercure de France, 1963), on croirait y trouver un écho, voire une repartie.


Ni le thème ni le terme de l'Amazone ne sont nouveaux dans l'œuvre de Marina [55] Zvétaieva: dans un poème d'adolescence déjà, elle souhaiterait «amazone, se hâter au combat», mais aussi, rêvant d'un destin aux multiples facettes, tsigane, mener une vie de brigandages, et, mère de famille, «asseoir les enfants à l'ombre». Nous retrouverons les Amazones dans ses recueils de vers Métier (Berlin, 1923), et Après la Russie (Paris, 1928), mais ce ne sont guère que rares allusions. Parmi les nombreux essais où les souvenirs se mêlent à l'analyse littéraire, plusieurs sont consacrés à des poètes: Pasternak, Maïakovski, Brioussov, Volochine, Biély, Kouzmine et Mandelstam. Deux sont dédiés à des femmes, l'un au peintre Nathalie Gontcha-rova, l'autre à Sophie Holliday (1896-1935), actrice, élève de Vakhtangov, avec laquelle elle s'était liée d'amitié à Moscou pendant la Révolution — mais rien dans ces pages qui rappelle «l'Amazone». Il semble bien que ce soit dans ce seul texte en français que Marina Zvétaieva ait abordé de front le sujet. Texte majeur qui jette un éclat singulier sur la personnalité — et sur l'œuvre — de ce «poète pensant».

GHISLAINE LIMONT

Следующий выше текст полностью воспроизводит первое издание «Lettre a l'Amazone». Допущенные в нем ошибки не исправляются. Разбивка на абзацы и курсивные выделения проверены, но пословной проверки орфографии сделано не было. Виньетки, замещающие авторскую жирную черту, заменены двойной чертой. Ссылки на издание облегчают проставленные в квадратных скобках номера страниц, предваряющие страницу. Небольшая вольность допущена в отношении текста G. Limont: он был набран курсивом, а курсивные выделения в нем сделаны прямым шрифтом, — мы сделали наоборот. Будем благодарны за любые замечания, касающиеся сомнительных мест и замеченных опечаток.



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